Dans un ouvrage décapant, Pierre Bellanger, DG-fondateur de la radio Skyrock, dénonce la mainmise des géants du Net (Google, Facebook…) sur nos données, nos usages et ce qui fait notre vie hors et sur la Toile.
Un levier de conscience. C’est ainsi que Pierre Bellanger résume son ouvrage publié cette semaine : La Souveraineté numérique aux Editions Stock. Le dirigeant de la radio musicale Skyrock fait preuve d’une analyse qui détonne face à une approche souvent béate des opportunités offertes par le Net. “Internet est une bénédiction pour la déstabilisation politique d’un régime autoritaire ou la mise en cause, par de nouveaux services en ligne, de rentes imméritées, cette immunité est extrêmement dangereuse lorsqu’elle sert des intérêts étrangers”, prévient-il. Une conception qu’il a initié de longue date et qui prend évidemment une teinte particulière après les révélations d’Eward Snowden.
“Les règles imposées et les traitements subis sont décidés ailleurs et nous privent des droits les plus élémentaires, puisque notre droit national n’y est pas reconnu et le droit de ceux qui nous dominent ne nous est pas appliqué”. Aucun misérabilisme ou appel vindicatif à un retour à l’avant-Internet dans ces pages. Mais un vibrant plaidoyer pour une prise de conscience de ce que nous avons à perdre à n’être que des utilisateurs et non des producteurs de technologies. “Sur Internet, nous renonçons à être des sujets autogouvernés pour adopter le statut juridique de l’animal domestique” déplore-t-il.
Et le patron de radio de raconter la bataille entre les opérateurs de systèmes d’exploitation de nos terminaux. Là encore Google, Microsoft, Apple… sont à la manœuvre pour ensuite imposer leurs propres services, comme par exemples les systèmes de plan et de navigation. Les enjeux sont tels que certains nouveaux entrants tentent leur chance, à l’instar d’Amazon qui élabore son terminal Kindle avec une version libre d’Android. Mais sans la tutelle de Google.
Les marques traditionnelles n’ont pas pris la mesure de la révolution numérique
“Les marques considèrent l’Internet comme un nouveau canal plutôt que comme un futur centre de gravité”, constate à regret Pierre Bellanger. Et c’est la raison pour laquelle des millions d’entreprises ont consciencieusement transféré à leurs frais chez des sites comme Facebook la communauté de leurs clients. “Elles découvrent, étonnées, qu’elles n’ont même pas accès aux adresses électroniques de ces fameux fans, que l’accès à leur propre communauté devient payant, qu’elles n’ont accès qu’à un minimum d’informations sur les membres et que leurs concurrents peuvent acheter des mots-clés pour faire des publicités ciblées sur leurs clients”.
Un cauchemar ? Non. Mais la réalité crue que décortique sans fard Pierre Bellanger. Qui s’inquiète des actions possibles du complexe militaro-numérique étatsunien où Etat et entreprises travaillent en bonne intelligence. Et l’amène à s’interroger sur le fait de savoir si celui-ci n’a pas par le passé, même récent, procédé à des manipulations à distance des données numérisées que nous produisons chaque jour. “Aucune information stockée, traitée, émise ou reçue n’échappe à la possibilité de l’intervention malveillante, insiste-t-il. L’opération sera furtive, aléatoire, indétectable”.
Loin de céder à un pessimisme tétanisant, ce livre permet d’identifier sous un format synthétique les principaux écueils qui existent au maintien de notre souveraineté dans un contexte de montée en puissance généralisée de la sphère numérique. C’est en ayant identifié les périls qui nous guettent que les entrepreneurs, les dirigeants politiques et les citoyens peuvent faire les choix qui les engagent et satisfont leurs intérêts. C’est bien cette connaissance qui permet à chacun d’adopter le comportement le plus éclairé possible. En toute responsabilité.
La Souveraineté numérique de Pierre Bellanger, Editions Stock, 253 pages, 18€.
Source : JDN
Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice